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R.A.O.U.L. &  R.I.T.A.

PETIT BILAN D'AVIGNON 2013

4 Août 2013 , Rédigé par Raoul et Rita

PETIT BILAN D'AVIGNON 2013 EN FORME DE MANIFESTE

OU GRANDES RÉFLEXIONS AU RAS DES PÂQUERETTES DE MON JARDIN

Pourquoi aller au festival d’Avignon ?

En 2010 nous sommes allés au festival off d’Avignon jouer « On the road » d’après Jack Kérouac. Ce fut incontestablement un vrai succès : succès public (près de 1000 spectateurs), succès presse, succès auprès des diffuseurs (près de 30 diffuseurs, pour 5 achats seulement). Et des recettes qui ont couvert presque la moitié des dépenses, ce qui était inespéré compte tenu du nombre de spectacles proposés (plus de 1200).

En 2011, nous sommes revenus avec en alternance « On the road » et « Les clochards Célestes ». Succès encore avec plus de 800 spectateurs. Succès presse, et des recettes qui là encore couvraient une bonne partie des dépenses.

En 2012, nous avons joué « Les Clochards Célestes ». Ce fut encore un bon festival, même si nous n’avons pas atteint le succès de « On the road », plus connu du grand public.

En 2013, nous avons joué « Big Sur », dernier volet de notre trilogie Kérouac. Le succès n’a pas vraiment été au rendez-vous, même si le spectacle a été très bien reçu. 250 spectateurs en 21 représentations, une recette en conséquence, peu de diffuseurs, peu de presse (excellente au demeurant).

Il y a des raisons à cela : « Big Sur » était une création pour le festival (donc pas de presse), un roman peu connu, un auteur encore méconnu du grand public, une « petite » Cie etc.

La communication autour de ce spectacle, commencée dès janvier 2013, a été bien faite. Une attachée de presse « mutualisée » avec le théâtre qui nous recevait, des affiches, des tracts, des encarts dans la presse locale, le support de notre syndicat le SNES, avec un programme envoyé à plus de 2000 diffuseurs, tout a été fait pour assurer au spectacle une visibilité maximale dans l’océan des spectacles. Cela n’a pas suffit.

L’autre raison de cet insuccès est probablement due au festival lui-même. Le off a changé. Depuis de nombreuses années maintenant, les salles importantes ont vu débarquer de gros producteurs (parisiens pour la grande majorité) venus là avec des spectacles déjà bien rodés, avec souvent une presse nationale et du coup le spectateur – qui vient moins longtemps étant donné les prix élevés des entrées sans compter le coût de la vie – ne peut plus se permettre de se « tromper » de spectacle. On choisit la valeur sûre au détriment de la curiosité. Sans parler de la pléthore de « vedettes » qui investissent les plateaux et font automatiquement salle comble (Pierre Richard, Thierry Lhermitte, Patrick Timsit, et autres Julien Courbet ou Catherine Laborde…)

Il y a une vingtaine d’années, à l’époque où il n’y avait que 300 ou 400 spectacles dans le off (c’était déjà énorme !), où le prix du café au bistrot était abordable, où le prix du billet d’entrée restait raisonnable, le festivalier se laissait volontiers guider par sa curiosité, quitte à être déçu, mais ça faisait partie du festival. On se rattrapait sur le spectacle suivant. Beaucoup de Cies (peu connues) prenaient le risque de venir avec des créations originales, faisant le pari que le spectateur le suivrait justement parce qu’il y avait une part d’incertitude, un pari un peu fou. On découvrait des comédiens de talent, des auteurs méconnus, des formes théâtrales innovantes et c’était ça le plaisir du festival Off. Etre surpris, dubitatif, voire déçu, mais la curiosité était (souvent) la plus forte.

C’est ainsi qu’en 1991 nous sommes venus jouer « Mœurs et Délices », une pièce sur la gastronomie et le savoir vivre que j’avais écrite, produite par le Théâtre de la Vache Cruelle de Périgueux !

Pas de comédiens connus, pas d’auteur renommé, une Cie venue du fin fond de la Dordogne et au final un vrai succès ! Le bouche à oreille a fonctionné à plein et dès le 4ème jour la salle se remplissait. Les diffuseurs ont acheté le spectacle (3 saisons de tournée, dont un séjour à La Réunion)…

Un pari risqué, mais payant. Ça aurait pu ne pas marcher.

Ce risque-là – assumé autant par l’artiste que par le spectateur – n’existe quasiment plus dans le Off (à l’exception de 2 ou trois spectacles que j’ai vus, qui ne « marchaient pas », mais sur lesquels soufflait encore cet esprit dont je parle).

Aujourd’hui c’est le IN qui assume ce risque. Certes les enjeux ne sont pas les mêmes, les moyens non plus. On ne joue évidemment pas dans la même « cour »… Mais il n’empêche, j’ai vu cette années dans le IN des « propositions » d’artistes très intéressantes, innovantes, rebutantes parfois, mais qui toujours piquent la curiosité et titillent les méninges.

Le seul petit problème, c’est le prix des places à la hauteur des ambitions des artistes invités : « hénaurme » ! 40 euros le ticket… Vous allez voir 10 spectacles et c’est tout votre RSA qui y passe…

C’était mieux avant ? Quelle est la place du OFF dans le IN ou du IN dans le OFF ? Y- a-t-il trop de spectacles ? Le festival dure-t-il trop longtemps, ou pas assez ?

Autant de questions vaines. Il nous faut juste faire le constat. Avignon aujourd’hui c’est :

  • Un p… de business ! Des salles qui se louent entre 5000 et 10.000 euros par créneau de 2 heures. Un programme du Off qui fait payer plus de 300 euros aux cies (plus de 1250 spectacles) et 500 euros aux Théâtres (plus de 120) pour y figurer. Mais le Bureau du Off dépense aussi beaucoup d’argent pour promouvoir le festival et offrir beaucoup de prestations et d’événements exceptionnels aux Cies et aux spectateurs.
  • De gros producteurs qui viennent faire du chiffre, avec des spectacles « en béton » (la plupart sont d’ailleurs très bons).
  • Des vedettes qui viennent faire leur vedette (et pourquoi se priveraient-elles du plaisir de jouer devant les foules qui les acclament ?)
  • Des Cies (dont certaines exigeantes) de plus en plus nombreuses, qui continuent de se battre pour exister, en dépensant de plus en plus d’argent et d’énergie.
  • Des Cies amateurs (parfois intéressantes) qui n’ont pas du tout les mêmes enjeux et qui « brouillent » encore plus le paysage.
  • Des spectateurs moins nombreux (au regard de l’augmentation du nombre de spectacles), moins curieux, perdus dans un programme du Off de 400 pages (remarquablement fait), et qui ne veulent pas se « tromper ».
  • Un programme IN (toujours alléchant) qui, du haut du Palais des Papes, plane très au-dessus de la fourmilière du OFF.

Alors faut-il renoncer à Avignon ?

Certainement pas ! Nous continuerons d’y aller dans la mesure de nos moyens. Nous continuerons à croire que dans ce chaudron-bouillon-de-culture unique au monde, c’est encore là qu’on fait les meilleures soupes (parfois à la grimace).

D’ailleurs les Régions ne s’y trompent pas puisqu’elles sont nombreuses (à l’exception notable de l’Aquitaine !) à investir dans des spectacles (IN et OFF) ou des lieux.

Et parce qu’une salle de théâtre (même à moitié vide) est un lieu VIVANT, tant que je serai en vie, autant rester VIVANT !

Et parce que rester en vie est une chose relativement facile, mais que rester vivants nous fait obligation de nous BATTRE ! Avec et contre TOUT !

Et parce que l’important n’est pas de savoir comment s’en sortir (individuellement ou collectivement) puisqu’on ne s’en sortira pas (et ceux qui « fabriquent » ce monde, sont les gardiens de nos cellules), mais que l’important est de savoir comment EN sortir : couché ou debout !

Mort ou Vivant.

MOURONS VIVANTS ! ALLONS EN AVIGNON !

Thierry Lefever

Cie RAOUL et RITA

Pas beaucoup de spectateurs je vous l'ai dit et en plus mon décor rentrait à peine sur le plateau...

Pas beaucoup de spectateurs je vous l'ai dit et en plus mon décor rentrait à peine sur le plateau...

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